A l’heure où le Rwanda commémore le 25ème anniversaire du génocide
contre les Tutsis et s’incline devant la flamme de la mémoire allumée en
hommage aux plus de 800 000 victimes de l’un des massacres les plus
barbares du XXème siècle (du 7 avril à la fin du mois de juin 1994),
cette page sombre fait ressurgir le souvenir de l’indicible, mais aussi
un autre bien plus doux et poignant : celui des mosquées transformées en
refuges sûrs pour les victimes de la folie meurtrière des hommes.
Alors
que la tragédie rwandaise hante et hantera longtemps la mémoire
collective de tout un peuple qui, plus de deux décennies après avoir
sombré dans un abîme effrayant, affiche au grand jour son unité, ils
sont des milliers de Rwandais à se remémorer l’extraordinaire élan de
solidarité de la communauté musulmane, au paroxysme de l’horreur.
Si certaines scènes d’une violence insoutenable restent enfouies dans
les tréfonds de leur mémoire, la vision des mosquées ouvrant grand leurs
portes aux Tutsis terrifiés, afin de les sauver de la fureur sauvage
des Hutus, remonte à la surface avec une émotion particulière.
A l’instar de l’ancien prêtre Matabaro Sulaiman qui se faisait le
chantre de la paix et de la tolérance auprès de ses ouailles, jusqu’au
jour où le havre de paix de son église, comme tant d’autres, devint le
théâtre de représailles sanglantes perpétrées par des chrétiens, ils
sont nombreux à avoir embrassé l’islam après avoir été confrontés à
l’innommable.
« J’étais un prêtre catholique avant le génocide », a
confié, bouleversé, Matabaro Sulaiman. Ce dernier n’a jamais oublié
l’effroi ressenti devant l’atroce spectacle qui l’a à jamais traumatisé :
des chrétiens, assoiffés de vengeance, faisant couler le sang des
Tutsis dans les églises.
« Les victimes, totalement
désemparées, couraient vers les églises, convaincues qu’elles y seraient
en sécurité. Mais au lieu de cela, elles y ont été massacrées. Au même
moment, je voyais des musulmans, au péril de leur vie, prendre des
Tutsis sous leur aile pour les emmener à l’intérieur de leurs mosquées.
Et là, les victimes du génocide furent vraiment protégées de la barbarie
des hommes », a-t-il relaté, visiblement encore très marqué par le souvenir douloureux de ces heures funestes.
« Les musulmans étaient peu nombreux et n’avaient ni capacité, ni
pouvoir… Mais ils n’ont écouté que leur conscience et leur infini
courage, et sans hésiter une seule seconde, ils ont décidé d’aider les
êtres humains qui étaient exterminés sous leurs yeux, à coups de
machette, dans de terribles souffrances », a-t-il ajouté, les yeux embués de larmes. Puis, il a renchéri : « Je
me suis dit, alors, que cela devait être ça la réalité de l’islam.
C’était l’Islam dont ils parlaient. Et j’ai décidé de devenir musulman
».
Dans un Rwanda devenu une gigantesque mare de sang, qui
tentait de panser ses plaies béantes, et où l’islam fut introduit au
XVIIIème siècle par des commerçants musulmans en provenance de la côte
est de l’Afrique, ils furent des milliers, après 1994, à se laisser
guider vers la seule Lumière qui brillait dans leur horizon assombri :
celle d’Allah.
Allah Akbar, dini ya haki, dini ambayo maskini na tajiri wote wako Sawa mbele yake Allah, dini isiyo tizama ukabila wala rangi ya mtu.
RépondreSupprimer