Question :
Noble cheikh Sulaymân Ibn Nâsir Al ‘Ulwân – puisse Allah vous préserver- j’ai entendu lors d’une émission un hadith attribué au Prophète (salla Allahu ‘aleyhi wa sallam) qui dit : « Quiconque récite pendant la nuit [la sourate] "Ad-Dukhân" (la Fumée), au matin, soixante-dix mille anges demanderont le pardon pour lui auprès d'Allah ». Quel est le degré d’authenticité de ce hadith ?
Réponse :
Il s’agit d’un hadith rejeté (munkar) et il n’y a rien d’authentique qui n’ait été rapporté à ce sujet.
En effet, Ibn Al Jawzî a mentionné ce récit dans son ouvrage « Al Mawdû’ât » (1/248) en disant que ‘Umar Ibn Râchid est le seul à le rapporter ; de plus, ce nom n’est pas correct, il s’agit en réalité de ‘Umar Ibn ‘AbdAllah [1].
Aussi, ce récit a été rapporté par At-Tirmidhî dans son ouvrage « Jâmi’ » (2888) et par Ibn ‘Adiy dans son ouvrage intitulé « Al Kâmil » (5/1720) par l’intermédiaire de Zayd Ibn Al Hubâb d’après ‘Umar Ibn Abû Khat’am selon Yahya Ibn Abû Kathîr d’après Abû Salama qui le tient d’Abû Hurayra d’après le Prophète (salla Allahu ‘aleyhi wa sallam).
Et At-Tirmidhî (qu’Allah lui fasse miséricorde) a dit à propos de ce récit: « Ce hadith est étrange (gharîb). Nous ne le connaissons que sous cette forme et ‘Umar Ibn Abû Khat’am est un rapporteur faible. Mohamed [2] a dit [de lui] que ses récits sont irrecevables. »
Abû Zar’a, quant à lui, a dit : « Ses récits sont sans valeur. Il a rapporté 3 hadith selon Yahya Ibn Abû Kathîr et s’ils figuraient parmi 500 hadiths, ils les auraient altérés »
At-Tirmidhî rapporte également une autre version de ce récit (2889), ainsi qu’Abû Ya’lâ dans son Musnad (6224), par l’intermédiaire de Hichâm Abû Al Miqdâm d’après Al Hasan Al Basrî qui le tient d’Abû Hurayra qui rapporte que le Prophète (salla Allahu ‘aleyhi wa sallam) a dit : « Quiconque récite [la sourate] "Ad-Dukhân" la nuit avant le vendredi, verra ses péchés pardonnés »
Néanmoins, sa chaine de transmission est défaillante pour deux raisons :
Premièrement : An Nasâ²î et d’autres [spécialistes du hadith] ont dit de Hichâm Ibn Ziyâd Abû Al Miqdâm que [ses récits] ne valent rien.
Ibn Hibbân a dit dans son livre « Al Majrûhîn » (3/88) que Hichâm Ibn Ziyâd fait partie de ceux qui rapportent des récits inventés en les attribuant à des transmetteurs dignes de confiance, et des récits inversés (maqlûbât [3]) d’après des transmetteurs fiables […]. Il n’est donc pas permis de citer [ses récits] comme preuve.
Deuxièmement : il existe une interruption dans la chaine de transmetteurs, Al Hasan n’a rien pu transmettre d’Abû Hurayra. En effet, l’imam Abû Zar’a (qu’Allah lui fasse miséricorde) a dit : « Al Hassan n’a rien pu transmettre d’Abû Hurayra et il ne l’a jamais vu. » Il lui a été demandé : « Si une personne dit « [d’après al Hassan], Abû Hurayra rapporte » », il répondit : « [Cette personne] s’est trompée »
At-Tirmidhî (qu’Allah lui fasse miséricorde) ajoute à la suite de ce hadith : « Al Hasan n’a pas pu l’entendre d’Abû Hurayra, telle est l’opinion d’Ayyûb, Yûnus Ibn ‘Ubayd et ‘Alî Ibn Zayd. »
De plus, Ibn Al Jawzî cite également ce récit dans son ouvrage « Al Mawdû’ât » (1/247) en précisant : « Ce hadith sous toutes ses voies de transmission est caduc (bâtil) et il n’a aucun fondement ».
Cheikh Sulaymân Ibn Nâsir Al ‘Ulwân
Source : (Questions relatives à l’authenticité de certains ahâdîth)
Traduction : umhamza
[1] NDT: 'Umar Ibn Abdullah Ibn Abi Khath'am
[2] NDT: L’imam Mohammed Ibn Ismâ’îl Al Bukhârî
[3] NDT: Un hadith maqlûb est un hadith dont un terme est changé par un autre. Cette substitution a lieu au niveau du texte ou de la chaîne de transmetteurs.
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