Ibn Al-Qayyim
Il convient de savoir que celui qui espère une chose, son espoir implique trois choses : la première est l’amour de ce qu’il espère, la deuxième est la crainte de la perdre, et la troisième est son application à atteindre cette chose, autant que possible.
Quant
à l’espoir qui n’est accompagné d’aucune de ces trois choses, il est de
l’ordre des fausses espérances. L’espoir est une chose et les fausses
espérances en sont une autre, car toute personne qui espère ressent de
la crainte, et celui qui emprunte un chemin et ressent de la crainte
presse le pas de peur de manquer ce qu’il recherche.
Abû Hurayrah rapporte que le Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam) a dit : « Celui
qui craint [d’arriver trop tard], chemine de nuit ; et celui qui
chemine de nuit parvient à destination. La marchandise d’Allah est
précieuse, la marchandise d’Allah est le Paradis. » [As-Sahîhah (2335)]
De la même manière qu’Allah a attribué l’espoir à ceux qui pratiquent des œuvres pieuses, Il leur a également attribué la crainte, ainsi on voit que l’espoir et la crainte utiles sont ceux qui sont accompagnés d’œuvres pieuses, comme Allah dit : « Ceux qui tremblent par crainte de leur Seigneur, croient en Ses versets, ne Lui associent rien, donnent ce qu’ils peuvent et dont les cœurs tremblent de crainte à la pensée de retourner à leur Seigneur ; ceux-là s’empressent d’accomplir de bonnes actions et sont les premiers à les accomplir. » [Al-Mu’minûn, v.57-61]
‘Â’ishah rapporte : « J’ai interrogé le Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam)
à propos de ce verset, et j’ai dit : S’agit-il de ceux qui consomment
de l’alcool, tombent dans la fornication et volent ? Il répondit : Non,
ô fille du véridique ! Mais il s’agit de ceux qui jeûnent,
accomplissent la prière, acquittent l’aumône, et craignent qu’on ne
l’accepte pas d’eux, ce sont eux qui s’empressent d’accomplir de bonnes
actions. » [As-Sahîhah (162)] Allah a
décrit les bienheureux par la bienfaisance accompagnée de crainte [1],
et Il a décrit les malheureux par la malfaisance accompagnée
[d’illusion] de sécurité [2].
Celui
qui médite sur la condition des Compagnons constatera qu’ils étaient au
summum de la pratique d’œuvres pieuses tout en étant au summum de la
crainte. Alors que nous avons, nous, réuni entre la négligence et
[l’illusion de] sécurité.
Le véridique [Abû Bakr] a dit : « J’aurais aimé être un poil sur le corps d’un croyant. »
On rapporte également qu’il prenait sa langue et disait : « C’est elle qui me mènera à ma perte. »
Il pleurait abondamment et disait : « Pleurez, et si vous ne pleurez pas, forcez-vous. »
Lorsqu’il se levait pour accomplir la prière, il ressemblait à un bout de bois, en raison de sa crainte d’Allah.
On
apporta un jour un oiseau à Abû Bakr. Il le considéra un moment en le
tournant et le retournant dans sa main puis dit : « Un animal n’est tué,
ou un arbre abattu, qu’en raison de son manque de glorification
d’Allah.
Lors
de son agonie, il dit à ‘Â’ishah : « Ô ma fille ! J’ai pris des biens
des musulmans cette tunique, cette écuelle pour traire, et ce servant,
presse-toi de les apporter à Ibn Al-Khattâb. »
Il dit également : « Par Allah ! J’aurais aimé être cet arbre dont on mange et que l’on coupe. »
Qatâdah a dit : « On m’a rapporté que Abû Bakr a dit : J’aurais aimé être de l’herbe que les bêtes paissent. »
‘Umar récita sourate At-Tûr, jusqu’à parvenir au verset : « Le châtiment de ton Seigneur surviendra inévitablement »
Il pleura alors intensément au point de tomber malade et que les gens lui rendent visite.
Il
dit à son fils, lors de son agonie : « Malheur à toi ! Mets ma joue au
sol, afin qu’Il me fasse, peut-être, miséricorde. » par trois fois, puis
il rendit l’âme.
Parfois,
lors de sa récitation de nuit, il récitait un versait qui l’effrayait,
et restait ensuite plusieurs jours chez lui, et les gens lui rendaient
visite, pensant qu’il était malade.
Sur son visage on pouvait distinguer deux sillons noirs causés par les larmes.
Ibn
‘Abbâs lui dit : « À travers toi, Allah a fait bâtir des villes,
accordé des conquêtes et ceci, et cela. » Il répondit : « J’aurais aimé
parvenir au salut, sans récompense ni péché. »
On rapporte que lorsque ‘Uthmân Ibn ‘Affân se tenait devant une tombe, il pleurait jusqu’à ce que sa barbe ruisselle de larmes.
Il
dit : « Si j’étais entre le Paradis l’Enfer, sans savoir où on
ordonnera de me faire entrer, je choisirais d’être une braise, avant de
savoir vers lequel des deux je me dirige. »
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De même, ‘Alî Ibn Abî Tâlib
était connu pour ses pleurs et sa crainte ; et les deux choses qu’il
craignait plus encore étaient les fausses espérances et le suivi des
passions. Il dit : « Les fausses espérances font oublier l’au-delà, et
le suivi des passions empêche de parvenir à la vérité. Ce bas-monde s’en
va, l’au-delà arrive, et tous deux ont des enfants, alors soyez des
enfants de l’au-delà et ne soyez pas des enfants de ce bas-monde.
Aujourd’hui on peut œuvrer sans jugement, alors que demain viendra le
jugement sans qu’on ne puisse plus œuvrer. »
Abû
Ad-Dardâ’ disait : « Ce que je crains le plus pour ma personne au Jour
de la Résurrection et qu’on me dise : Ô Abû Ad-Dardâ’ ! Tu as su, mais
qu’as-tu accompli de ce que tu as su ? »
Il
disait également : « Si vous saviez ce que vous rencontrerez après la
mort, vous ne mangeriez rien avec désir, vous ne boiriez rien avec
désir, vous n’entreriez dans aucune demeure pour vous y abriter du
soleil, mais vous vous rendriez dans le désert en frappant vos
poitrines, et vous pleureriez sur votre sort. J’aurais aimé être un
arbre que l’on taille puis que l’on mange. »
Le dessous de l’œil de Ibn ‘Abbâs était semblable à un lacet pendant, et ce en raison des larmes.
Abû Dharr disait : « Si seulement j’avais été un arbre que l’on taille, j’aurais aimé n’avoir jamais été créé. »
On
lui présenta une aumône, et il dit : « Nous avons une chèvre dont nous
tirons du lait, des ânesses sur lesquelles nous transportons, un esclave
affranchi à notre service, et une tunique supplémentaire, et je crains
le jugement pour cela. »
Une nuit, Tamîm Ad-Dârî récita sourate Al-Jâthiyah, et lorsqu’il parvint à ce verset : « Ceux
qui commettent de mauvaises actions pensent-ils que Nous allons les
traiter comme ceux qui croient et accomplissent de bonnes œuvres ? » Il se mit à le répéter et pleurer jusqu’au matin.
Abû ‘Ubaydah ‘Âmir Ibn Al-Jarrâh a dit : « J’aurais aimé être un bélier que ma famille sacrifie, qu’ils mangent ma chair, et boivent mon bouillon. »
C’est là un chapitre qu’il serait long de mentionner de manière exhaustive. Al-Bukhârî a intitulé un chapitre de son Sahîh : « La crainte du croyant de réduire à néant ses œuvres qu’il ne s’en aperçoive. »
Ibrâhîm At-Taymî a dit : « Je n’ai jamais rapporté mes actes à mes paroles sans penser être menteur. »
Ibn Abî Malîkah rapporte : « J’ai rencontré trente Compagnons du Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam), et tous craignaient l’hypocrisie pour eux-mêmes, aucun d’eux ne disait qu’il avait la foi de Jibrîl ou Mikâ’îl. »
On rapporte que Al-Hasan a dit : « Seul un croyant Le craint, et seul un hypocrite peut s’en croire à l’abri. »
‘Umar Ibn Al-Khattâb demanda à Hudhayfah : « Je t’implore par Allah, le Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam)
m’a-t-il mentionné – c’est-à-dire parmi les hypocrites ? » Il répondit :
« Non, et je ne témoignerai pour personne après toi. »
J’ai
entendu notre enseignant [Ibn Taymiyyah] dire : « Ce qu’il veut
signifier n’est pas : je n’innocente personne de l’hypocrisie en dehors
de toi, mais je ne m’ouvre pas cette porte, et qu’ainsi je témoigne en
faveur de toute personne qui me demande si le Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam) l’a mentionnée. »
En un sens proche, on trouve la parole du Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam)
adressée à celui qui lui demanda qu’il invoque afin qu’il soit parmi
les soixante-dix milles qui entreront au Paradis sans jugement,
lorsqu’il lui dit : « ‘Ukâshah t’a devancé en cela. »
[Al-Bukhârî (6175) et Muslim (216)]
Il ne voulait pas signifier que seul ‘Ukâshah le méritait parmi les Compagnons, mais s’il avait invoqué en sa faveur, un autre l’aurait demandé, puis un autre, et cette porte aurait été ouverte, et il est possible qu’une personne ne méritant pas d’en être le demande, il convenait donc de s’en abstenir, et Allah est plus savant.
Il ne voulait pas signifier que seul ‘Ukâshah le méritait parmi les Compagnons, mais s’il avait invoqué en sa faveur, un autre l’aurait demandé, puis un autre, et cette porte aurait été ouverte, et il est possible qu’une personne ne méritant pas d’en être le demande, il convenait donc de s’en abstenir, et Allah est plus savant.
[1] Comme dans Sa Parole : « Ceux
qui respectent les liens qu’Allah a ordonné d’honorer, redoutent leur
Seigneur et craignent un mauvais jugement (de leurs œuvres) » Sourate Ar-Ra’d, v.21.
[2] Comme dans Sa Parole : « Êtes-vous
à l’abri qu’Il vous engloutisse sous terre, ou abatte sur vous une
pluie de pierres, et vous ne trouverez alors aucun protecteur » Sourate Al-Isrâ’, v.68.
Source : Péchés et guérison
Traduit et publié par les salafis de l’Est
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