Le Sénat a adopté, dans le cadre du projet de loi sur l’école, un amendement qui interdit le port de signes religieux ostentatoires pour les accompagnants, lors des sorties scolaires. Le ministre Jean-Michel Blanquer s’y est opposé mais s’est montré sensible au sujet. La gauche dénonce le risque de « stigmatisation ».
Rejeté à l’Assemblée, il revient par le Sénat. Les sénateurs ont
adopté, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur « l’école de la
confiance », un amendement LR qui vise à interdire le port du voile pour
les accompagnatrices, généralement les mères des élèves, lors des
sorties scolaires. Au Palais Bourbon, le député LR Eric Ciotti avait
déjà tenté de faire adopter une telle mesure, défendue par une partie de
la droite depuis longtemps.
« Obligation de neutralité religieuse à l'école »
L’amendement ne cite pas explicitement le voile. Il complète le code
de l’éducation qui affirme déjà que « dans les écoles, les collèges et
les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves
manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit »,
en y ajoutant les « sorties scolaires ».
« Cet amendement vise à combler un vide juridique concernant
l’application du principe de laïcité lors des sorties scolaires » a
expliqué la sénatrice LR du Val-d’Oise, Jacqueline Eustache-Brinio, qui
a défendu l’amendement. La sénatrice entend rappeler « l'obligation de
neutralité religieuse à l'école »
« Le port d’un signe religieux ostentatoire rompt avec l’harmonie entre les Français »
La sénatrice du groupe Union centriste, Sylvie Goy-Chavent, a aussi
défendu le principe de l’interdiction. « Pourquoi porter un signe
religieux ostentatoire pose problème ? Car cela rompt avec l’harmonie
entre les Français, quelle que soit leur origine, parce que ça choque en
réalité. Notre rôle n’est de pas d’autoriser par la loi ce qui alimente
cette rupture d’harmonie et alimente les haines ».
La sénatrice UDI de l’Ain ajoute : « Le voile, quel qu’il soit, n’est
pas un simple accessoire de mode ou vestimentaire (…), il est un signe
ostentatoire d’appartenance religieuse ».
Blanquer : « Cela poserait tout un tas de problèmes pratiques, qui iraient à l’encontre du développement des sorties scolaires »
Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, s’est
montré sensible au sujet, mais s’est opposé à l’amendement des sénateurs
LR. Lors du retour du texte devant l’Assemblée, il pourra le supprimer
avec l’appui de la majorité LREM.
Jean-Michel Blanquer souligne que la mesure « contreviendrait à un
avis récent du Conseil d’Etat et poserait tout un tas de problèmes
pratiques, qui iraient à l’encontre du développement des sorties
scolaires ». Il ajoute :
« Il pourrait y avoir quelque chose de contre-productif en ayant une mesure législative en la matière. Mais je respecte ceux qui pensent le contraire ».
Il assure vouloir faire « tout ce qui est dans (son) pouvoir pour
avoir une plus grande convergence entre les parents et l’école, (…) et
que sur le terrain, nous ayons des sorties scolaires avec des parents
qui n’ont pas de signe ostentatoire ». Jean-Michel Blanquer renvoie la
responsabilité sur les directeurs d’école, à qui il « recommande »
d’avoir « le plus possible de situations où il n’y a pas de signe
ostentatoire. Ça doit être vrai de la part des élèves, ça doit être
vrai, le plus possible, de la part des parents ». Mais « ceci ne doit
pas aller, à mon sens, jusqu’à l’interdiction légale » a répété le
ministre.
Le sénateur LR de l’Oise, Olivier Paccaud, a accusé le ministre
d’« avoir une défense de la laïcité à géométrie variable ». Le
rapporteur LR du texte, Max Brisson, a appelé à avoir « du courage »
plutôt que « demander aux directeurs d’établissement de trancher ».
La gauche dénonce de « vieilles obsessions »
La gauche a dénoncé pour sa part l’amendement, soulignant le risque
de stigmatisation, et celui de voir, dans certains quartiers,
l’organisation de sorties scolaires rendue impossible. « La laïcité ne
doit pas servir de prétexte à tout est n’importe quoi » a mis en garde
la sénatrice PS des Hautes-Pyrénées, Viviane Artigalas. « Il y a des
quartiers où il n’y aura plus de sorties scolaires » a prévenu son
collègue socialiste Jean-Louis Tourenne.
La sénatrice PS d’Ille-et-Vilaine, Sylvie Robert, a dénoncé de
« vieilles obsessions, qui font qu’on déplace le débat », « ce n’est pas
un débat juridique, c’est un débat politique ». Sophie Taillé-Polian,
sénatrice Génération.s, a souligné qu’il s’agit avant tout « de parents,
ils tiennent la main de l’enfant, lui disent de faire attention quand
il traverse » (voir vidéo ci-dessous). Pour la sénatrice du
Val-de-Marne, « il faut faire en sorte que la diversité puisse
s’exprimer, sans qu’il y ait de stigmatisation ».
Liberté égalité fraternité
RépondreSupprimerLaïcité
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